Sabine : plongeuse et amoureuse des fonds marins

Sabine : plongeuse et amoureuse des fonds marins

La préservation de la nature et notamment des océans est un enjeu qui nous touche particulièrement. Trop de plastique finit dans les océans, s’immisce dans la chaîne alimentaire. Nous avons engagé une démarche zéro plastique depuis le démarrage de GreenMa. Nous utilisons uniquement des bocaux en verre et des recharges en papier kraft 100% papier pour recharger les bocaux de thé et d’infusions.

C’est pour sensibiliser et pour essayer de faire changer les choses, que nous vous proposons une série d’interviews de personnes inspirantes et engagées dans cette démarche zéro plastique et de préservation des océans.

Cet interview est dédié à Sabine, une plongeuse et animatrice nature qui cherche à changer les mentalités, instruire et faire comprendre que les océans et la nature sont des biens précieux et essentiels.

Sabine Meneut – Crédits : Andréa Haung

Présentez-nous votre parcours, comment en êtes vous arrivée là ?

Je suis Sabine Meneut. Pour commencer, j’ai obtenu un BTS en gestion et protection de la nature en 2014, ensuite, je suis arrivé à Marseille en 2015. C’est à ce moment que je me suis mise à faire de la plongée. J’ai donc vu mes premiers filets de pêche perdus en mer avec mon ex-associé Pablo Liger. Océanographe de formation, il m’avait tout de suite expliqué l’impact du filet de pêche sur le milieu naturel.

Filet de pêche sur un tronc d’arbre

Et donc à partir de ce moment-là, j’ai commencé à réaliser un benchmarking de ce qui se faisait un peu partout dans le monde sur le recyclage des filets de pêche. Ce qui en est sorti est le fait qu’en France, il y a à peine trois ans, on ne faisait rien du tout. Mon parcours a été de développer un aspect commercial, faire une recherche de partenaires et me pencher sur la R&D pour trouver quoi faire de ces filets de pêche

Sinon à coté, je vis de mes contrats en indépendante en tant qu’animatrice nature. Dans le cadre de ces contrats, je peux être amenée à travailler avec des offices du tourisme ou avec des associations environnementales. En fonction des thématiques demandées par mes clients, je développe une thématique comme par exemple organiser des courses d’orientation.

Quand c’est avec un public adulte, je vais plutôt parler de l’écosystème en général, mais aussi des déchets. On m’encourage même parfois à faire un ramassage de déchets à la fin d’une randonnée avec les participants. Avec les enfants, c’est plutôt tout ce qui touche à l’orientation dans l’espace et à l’environnement. Il est primordial de leur faire prendre conscience du rôle de chaque espèce dans un écosystème. Les exemples peuvent être marquants ; en arrachant cette plante, il y aura un papillon en particulier qui ne pourra pas se développer.

Quel à été votre déclic, qu’est ce qui vous a fait passer du côté engagé ?

Étant née au Kenya, la nature sauvage à toujours été omniprésente pour moi. Par la suite j’ai vécu avec ma mère pendant 14 ans en Guyane Française. Le fait d’être constamment en forêt et de voir des déchets tout le temps ça m’a fait me poser des questions. Surtout qu’en Guyane, comme dans les autres DOM-TOM , la gestion des déchets est inefficace voire inexistante… 

Le gros déclic qui m’a fait me lancer dans cette démarche, dans la recherche de solutions de valorisation des déchets, de moyens de ne plus avoir de déchets, de consommer différemment etc… a eu lieu à l’âge de 11 ans. On a fait la traversée de l’Atlantique en voilier avec ma mère, en partant de Guyane pour aller jusqu’aux Açores, en l’espace de 5 semaines. Tout le long de cette traversée on a pu voir des déchets, je me suis même retrouvée à pleurer car il y avait des dauphins et des globicéphales encerclés de déchets qui tournaient autour du bateau.. C’était inconcevable pour moi de voir des animaux marins au milieu de plastique.

Nous étions alors en 2005. A cette époque la notion de déchet ou de l’impact qu’il peut avoir, n’était pas aussi démocratisé et vulgarisé qu’aujourd’hui. 

Ce qui m’a véritablement poussé à me lancer dans cette démarche, c’est quand Boyan Slat un garçon de 16 ans s’était lancé à ramasser les déchets du septième continent et à trouver des solutions de revalorisation. J’ai trouvé à cette époque-là, très osé et courageux, qu’un jeune homme ose prendre le micro et dise à des adultes que c’est les jeunes qui allaient trouver la solution. Ca a fait tilt ; si ce jeune homme a osé le faire, eh bien pourquoi pas moi ?

On nous fait comprendre et on veut nous faire croire que lorsque l’on est jeune, on est encore naïf, utopique… ll est préférable d’être un rêveur actif.

Comment et à quel point, avez-vous changé votre mode de consommation vers un modèle plus durable ?

Je serais prête à bannir ma voiture par exemple, mais dans les Bouches-du-Rhône c’est impossible. Les transports en commun ferment très tôt, c’est cher et c’est lent… Mais j’avoue que bannir la voiture serait la dernière chose qui me rendrait heureuse sur le sujet de ma consommation. 

Sinon j’arrive quasiment à vivre dans le zéro déchet, je vais faire mes courses en vrac, je fais mes produits ménagers, j’achète en circuit court même si ce n’’est pas forcément toujours BIO. Au moins c’est un producteur du coin et cela me donne l’occasion d’échanger avec lui ! Pour moi, engager la conversation avec un être humain est plus important que se promener dans les rayons d’un centre commercial. 

Le seul problème que je n’arrive pas à solutionner ; les croquettes de mon chat ! Les croquettes BIO sont particulièrement chères et c’est inaccessible quand on est en indépendante avec un petit revenu ! 

Que pensez-vous de la phrase “consommer c’est voter” ?

Alors ce que j’en pense, c’est qu’elle n’est pas fausse, au contraire ! On dit aussi qu’en tant que consommateur on est acteur. Il ne faut pas oublier que l’on est en démocratie, cela veut dire que le peuple a le pouvoir et donc le pouvoir de dire non : je vais consommer durablement, et commencer à aller dans une épicerie vrac. Pour moi, c’est à ce jour une des meilleures alternatives pour limiter son impact lié à la consommation de plastique.

Donc oui “consommer, c’est voter”, c’est tout à fait ça, on est tous acteur et responsable de nos actions. Personnellement, je sais très bien que je fais partie des pollueurs quand j’utilise ma voiture. Mais je le fais parce que je n’ai pas d’autres alternatives viables. Par contre lorsque l’on m’en donne les moyens, je vais les utiliser. 

Comment qualifieriez-vous le phénomène des déchets plastiques en mer ? A quel point vous semble-t-il important ?

Pour commencer il y a la fondation Ellen Mac Arthur qui dit qu’il y aura autant de plastique que de poissons dans les océans, d’ici 2050… Pour moi, on y est déjà puisque l’on découvre que le plastique a atteint l’échelle de la microparticule voire de la nanoparticule. C’est-à-dire qu’on le consomme sans même le voir. Dernièrement, j’ai entendu qu’on avalerait l’équivalent d’une carte de crédit par semaine. La problématique du plastique est bien présente et c’est pour cela qu’il faut que l’on soit plusieurs à se mobiliser.

Je pense aussi à Plastic Odyssey qui propose de réutiliser le plastique sauvage pour faire (entre autres) du carburant avec un système de pyrolyse. Sans oublier The Sea Cleaners qui eux collectent les déchets à l’embouchure des fleuves et le long des côtes. 

Aujourd’hui, malheureusement, nous devons vivre avec cette problématique et nous devons surtout rebondir et donner une valeur à ses déchets flottants, les considérer comme une matière première pour trouver des solutions.

Par exemple en Afrique, certaines femmes font du fil à partir de sacs, ce fil va ensuite leur servir à tricoter. Voilà une solution locale qui fait vivre des personnes tout en revalorisant des déchets sauvages qui n’ont d’autre utilité que de polluer. 

Pour moi, Plastic Odyssey répond très bien à cette problématique en réussissant à faire des déchets, du carburant. Alors oui, le carburant pollue, d’un autre côté cela permet à des gens qui ont pleins de déchets autour de chez eux (notamment le Kenya, le Sénégal…) de pouvoir les valoriser. Grâce à cela, ils vont pouvoir allumer un générateur la nuit, car oui ils n’ont pas d’électricité.

Il faut être réaliste, le plastique est partout, on en a dans les “colonnes d’eau”, les “colonnes d’air”, ainsi qu’au fond de la fosse des Mariannes : à 11km de profondeur. On retrouve même du plastique dans la pluie…

Ce dont on entend beaucoup parler aujourd’hui, c’est le recyclage. Certains pourraient penser qu’il suffit de recycler le plastique marin. Seulement, ce plastique est pollué (notamment en mer méditerrané, qui est la mer la plus polluée au monde avec une forte concentration de produits comme le chrome, l’arsenic, le mercure…), du coup on tombe aujourd’hui sur des déchets dont on ne peut rien faire, à part les détruire malheureusement. Une des solutions serait que les industriels innovent et trouvent comment détruire ce plastique sans rien dégager, sans rejeter d’émanations…

Micro plastique

En sachant maintenant qu’avec les nano-plastiques, on va devoir faire face à de sérieux impacts sur la santé humaine ! Beaucoup d’études scientifiques portant sur ses nano-plastiques nous montrent comment ils peuvent nuire au bon fonctionnement de notre corps, comment il se comporte dans nos organes. 

Donc l’urgence est là, oui. Mais il ne faut pas oublier les autres problématiques, tout les combats doivent être menés en parallèle. C’est ça aussi l’enjeu de notre génération.

Pensez-vous que la société ait conscience des réels impacts de la consommation et de la pollution des déchets plastiques ?

Alors, je pense qu’en France nous sommes très forts pour l’hypocrisie. On nous a carrément déjà sorti que la France ne produisait pas de déchets lors d’une réunion au ministère… Alors que rien que dans la Seine c’est 1700 tonnes de déchets plastique par an. En France, il y a un réel déni soutenu d’hypocrisie sur le sujet. Des exemples parlant : on envoie nos déchets à l’étranger, certaines structures se disant recycleurs incinèrent ou envoient à l’étranger leurs déchets. 

Pollution dans la Seine

Mais parallèlement, par contre, il y a eu une réelle prise de conscience. Je l’ai remarqué en janvier 2017, lorsque le maire d’une ville en bord de Seine s’est pris en photo avec les déchets sur les berges suites aux crues. 

Depuis deux ans, on parle beaucoup de pollution. Des médias traitent de la pollution dans le monde ou en France, de façon quotidienne. On retrouve souvent le sujet des mégots de cigarette notamment avec les nouvelles lois et la notion de responsabilité élargie du producteur…

J’ai quand même l’impression qu’une tranche de la population n’a pas encore accès à l’information. Soit parce que certains médias n’en parlent pas ou parce que les documentaires et films sensibilisants passent pendant des heures creuses. Cela me fait penser au film le Grand Saphir qui est passé sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur à 22h30… Donc il est certain qu’une partie de la population n’a même pas entendu parler de ce film. Alors que c’est un film français qui regroupe des initiatives de ramassage de déchets. 

Il y a une prise de conscience, au niveau des associations avec la création d’un réseau national de collecteurs de déchets sauvages qui existe depuis maintenant 3 ans et qui répertorie 200 associations organisant et réalisant des ramassages. On peut donc dire, qu’on est aujourd’hui à environ un ramassage tous les weekend, en France.

Il y a bel et bien une prise de conscience sur l’impact des déchets, mais elle est encore trop lente.  Ramasser des déchets, c’est bien, mais ne plus en produire c’est encore mieux. La bonne nouvelle, c’est qu’on observe une augmentation des personnes faisant leurs courses dans des épiceries vrac, au marché ou qui vont directement voir les producteurs.

Par contre, au niveau du gouvernement, c’est du déni total… Affirmer que le sac plastique est interdit, c’est se moquer des gens, parce qu’au final les industriels ont marqué “sac réutilisable” sur un sac plastique plus épais (donc qui consomme plus de ressources et d’énergie à la production) et qu’ils font en plus payer aux consommateurs. 

On parle beaucoup de collapsologie, d’effondrement. Quels sont vos conseils pour éveiller davantage les consciences face à cette urgence d’agir ?

Effectivement, on en entend de plus en plus parler. J’ai personnellement beaucoup d’amis qui y croient sérieusement. Alors parfois ça m’effleure l’esprit mais j’essaye de rester positive en me disant que les choses bougent en France comme dans le reste du monde.

Au niveau des conseils, je dirais qu’il faudrait au maximum relocaliser notre consommation, essayer de se lancer dans des potagers communautaires, dans de la permaculture, essayer de se recentrer sur des choses simples qui ont été mises de côté. 

Le problème de l’Europe, c’est l’individualisme. Cela joue sur notre consommation et c’est ce qui nous détruit. On le voit bien, en Afrique et en Amérique du Sud, les gens vivent davantage en communauté et s’en sortent bien mieux sur certaines problématiques. 

De manière générale, il faudrait :

  • Se recentrer sur des choses simples
  • Consommer local
  • Se poser la question de si on a besoin d’avoir quelque chose de neuf. Pour le cas échéant, favoriser le réemploi, ne pas acheter de vêtements neufs, mais se tourner vers les recycleries/ressourceries, faire du troc, aller dans des friperies, acheter sur Leboncoin…
  • Dire non ! Quand on nous propose une paille en plastique, un sac-poubelle…
  • Au niveau du gouvernement que les lois soient plus rapides et qu’elles soient VRAIMENT appliquées en commencant par favoriser les transports en commun… 

Pour faire entendre les messages des citoyens, cela peut passer par des pétitions qui ont permettent de revendiquer ses idées et de se rassembler. Mais il faut aller beaucoup plus loin ! 

Au moins, la nouvelle génération est solidaire et partage ses connaissances. Normalement, dans un système démocratique, on devrait pouvoir proposer des lois, avoir des référendums. Pour le moment, la situation ne s’améliore pas. 

Que pensez vous de la politique environnementale actuelle en France au niveau de la gestion des déchets plastiques ?

C’est catastrophique et malheureusement, je pense que ça ne va pas aller en s’améliorant. En 2021, les décharges dans le sud de la France vont fermer par ordre du gouvernement. Mais où vont aller les déchets ? Apparemment en Belgique, en Allemagne et dans les pays de l’Est. Le gouvernement est totalement acteur de la pollution dans les autres pays et de la mauvaise gestion des déchets en France. On dirait que rien n’est investi durablement. Quand on se penche plus sur le sujet, on se rend compte qu’il y a moins d’éboueurs, moins de ramassages, que des centres de collecte et de tri ont été retirés à Marseille. Dès fois, il faut faire deux kilomètres pour déposer son verre… On a même fermé des usines alors qu’on aurait pu créer de l’emploi avec les solutions de revalorisation, etc.

On recule complètement sur le traitement des déchets. Une raison de plus pour faire attention aux déchets qu’on génère. La France est quand même le plus gros pollueur (plastique) de la méditerranée, avec plus de 11 000 tonnes de plastique par an, qui partent en mer. 

Les déchets plastique présents sur les plages

Quels livres, sites, comptes Instagram vous inspirent ?

Je pense tout de suite au projet Plastic Odissey, qui est un projet français et plus particulièrement marseillais. 

Mais aussi à Robb Greenfield, un américain qui a été connu avec son initiative Trashme. Pour montrer la production de déchet d’un Américain moyen et sensibiliser l’opinion publique. Aujourd’hui il s’est lancé comme défi de ne consommer que ce qu’il produit. Il a donc énormément diminué son régime alimentaire et ne consomme que des produits/légumes de saison. Il est radical mais efficace ! 

Sinon en livre, j’aime beaucoup “Brazzaville Plage” de William Boyd. Un livre que j’apprécie par son sujet qui touche à l’environnement et au féminisme. Il raconte l’histoire d’une ethnologue qui étudie le comportement des chimpanzés et qui se rend compte qu’ils peuvent être cannibales, à un moment où l’on pensait encore que l’homme descendait directement du singe (alors qu’en réalité nous n’avons “que” des ancêtres en commun). Cette révélation était difficile à admettre. Ce livre touche beaucoup au sujet de l’hypocrisie, de la fracture avec les anciennes générations qui ne veulent pas admettre que leurs recherches datant de 20 ans sont déjà obsolètes. Cela rejoint un peu ce que je vis tous les jours. En lisant l’histoire de cette femme qui s’est battue, qui s’est intégrée et qui a réussi à rompre les codes, je me dis : pourquoi pas moi !

Quelles sont vos prochaines étapes, vos prochains évènements ?

Après Palana Environnement, mon projet est de créer une entreprise tournée vers l’économie locale ; avec des chantiers en réinsertion pour valoriser les filets de pêche, avec des projets locaux mais aussi en devenant fournisseur de matières pour les industriels.

L’autre étape, c’est d’accompagner les collectivités sur une meilleure gestion des déchets liés à la pêche (filets de pêche, pots à poulpe, palangre etc). Le but étant d’offrir un service au pêcheur.

Filets de pêche récupérés en mer

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Cette publication a un commentaire

  1. Schmitt

    Bonjour Sabine,

    Je suis heureuse de découvrir votre engament pour la mer. Depuis toute petite impuissante, je vois la nature de cette région se détériorer doucement. Et sensibilisée pour la respecter par un papa qui travaillait dans la création des granulats de plastique ( de couleurs primaire ). Je serai heureuse de vous apporter mon aide pour le ramassage de déchets.
    Bien à vous.
    Vanessa

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